« Je ne suis pas patiente ».
J’en ai toujours été persuadée : « Je ne suis pas patiente ». J’ai de tout temps eu des exigences démentielles auxquelles il m’impatientait de répondre bien, mieux et même mieux que bien parce que ce n’est jamais assez bien et quand c’est bien, eh bien ça peut être encore mieux, voire même – ne nous arrêtons pas en si bon chemin !… – mieux que mieux.
Alors oui, en plus d’être perfectionniste et exigeante et tout un tas d’autres trucs, « je suis impatiente ». Autant face à ce que je me désespère de ne pas encore être que vis-à-vis de ce que je m’exaspère d’être encore. « Je ne suis pas patiente ». Je suis même tout sauf patiente. Et, lorsque mon égo est en pleine forme, il va même jusqu’à me dire que je suis la personne la moins patiente de la terre. J’ai hâte de recevoir ma médaille d’or d’ailleurs ! 🙂
« Je ne suis pas patiente ». Enfin… Ça dépend…
En plus d’avoir toujours été persuadée que « je ne suis pas patiente », j’ai aussi toujours été persuadée, entre autres, que « je suis obstinément entêtée ». Parce qu’on me l’a souvent dit et qu’on croit souvent ce qu’on nous dit souvent.
Et puis… la preuve ! : je m’entête à (me) dire que « je ne suis pas patiente »… et qu’en plus « je suis entêtée »…
Les grands jours, il arrive même à mon égo de rajouter tout un tas d’autres qualificatifs du même genre – hâtifs, limitatifs, définitifs et excessifs – : « Tu es ceci… », « Tu es cela… ». Non mais il n’a que ça à faire sérieusement de réquisitionner toute mon énergie à essayer de me définir ?
« Je ne suis pas patiente » mais… j’ai quand même la patience de continuer à me noyer dans l’illusion de m’identifier et me confondre à cette prétendue absence de qualité : « Je (Moi) = pas patiente »…

De « je ne suis pas patiente », sous-entendu toujours, depuis toujours et pour toujours…
… A « je n’ai pas toujours de patience »…
Le Yoga nous aide à développer progressivement, au fil de la pratique, un meilleur discernement au sujet de nous-même, cet inconnu que nous connaissons finalement si peu, et par extension, au sujet des autres car nous sommes finalement le premier « autre » que nous avons à découvrir, mais il y a aussi encore tous les autres… à la fois tellement différents et tellement pareils que nous…
Le Yoga nous aide donc à prendre conscience de la distinction, et parfois même le gouffre, qui existe entre ce que nous croyons être (« je suis impatiente ») et ce que nous sommes vraiment (« je suis un être divin humainement incarné à qui il arrive parfois de manquer de patience »).
Et précisément lorsque nous cessons de nous confondre avec ce que nous croyons être : cet être borné (et entêté 😉 ) à une qualité ou, le plus souvent, une absence de qualité, c’est alors que nous nous offrons (enfin) la liberté de nous délivrer de cette croyance dans laquelle nous nous enfermions.
Et par là même, nous nous autorisons alors à être ce que nous pensions ne pas être. Nous nous affranchissons alors de ce qui nous limitait pour explorer des qualités que nous nous refusions de développer sous prétexte que notre égo avait décidé que nous ne les incarnions pas et que l’on ne les incarnerait jamais, un point c’est tout.
Chaque instant est ainsi l’occasion de nous rendre plus spacieux, tellement plus spacieux que la fausse petite identité dans laquelle nous réduisons et tenons captive l’étendue de notre être.
Tout nous donne cette opportunité inespérée de révéler celle-ci à la lumière de nous-même.
Et nous recevons alors la grâce de pouvoir remercier tout ce, tous ceux et nous-même qui nous aident à déceler, à découvrir et à développer tout ce que nous ne pensions pas être.
Hier soir, une des personnes que j’ai la chance d’accompagner sur le chemin du Yoga m’a envoyé un long message touchant que j’ai découvert seulement ce matin après avoir laissé mes premiers cils se lever et mes premières paupières s’ouvrir.
Elle me remerciait.
Extrait : « Tu m’aides énormément grâce à ta patience »…
Alors… merci à toi (et aussi à tous ceux et à tout ce) qui me donne l’opportunité de révéler cette qualité dont je me privais et dont je privais autrui.
Nous ne sommes pas ce que nous croyons. Et lorsque nous ne croyons plus être ce que nous croyons être (vous suivez toujours hein ? 😀 ), nous pouvons alors devenir ce que nous sommes vraiment : nous-même.
Ni « ceci », ni « pas cela ». Mais simplement nous-même, cette page vierge où rien n’est définitif, où tout est en création.
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Photos :
– Danseur de Kathakali sous le fard et le costume, Chennai, Tamil Nadu, Inde (mars 2013)
– Danseur de Kathakali interprétant Adbhuta rasa (l’étonnement), Chennai, Tamil Nadu, Inde (mars 2013)