Il t’en a fallu de la volonté pour t’extraire tout entier du ventre de ta mère pourtant si chaud, si doux, si sécurisant, t’extirper d’un confort devenu trop étroit pour t’aventurer à voir le jour tout cru et laisser le jour te voir tout nu.
Et émettre ton premier son – un cri – pour t’assurer que tu n’es pas mort, mais au contraire vivant, bel et bien vivant, humainement vivant, effroyablement vivant : qu’est-ce qui t’attend ?
Et toi ? Qu’est-ce que t’attend ?
Il t’en a fallu de la force pour descendre des bras confiants qui te portaient et te lancer à essayer toi-même de te porter prudent sur tes deux jambes, pas trop de deux pour te soutenir à soudain t’éloigner du sol et enfin t’approcher du ciel.
Et à chaque chute, oublier d’être tombé pour te cueillir là où tes fesses ont embrassé la terre, te prendre par la main, te relever et recommencer encore : vers quoi tu croîs ?
Et en qui tu crois ? En toi ?
Il t’en a fallu de l’énergie pour dessiner, peindre et sculpter le décor vierge dans lequel chaque ligne blanche de ton être peut prendre corps avec ferveur mais sans effort, dans une forme évidente aujourd’hui mais libre d’être défigurée pour être recréée demain.
Et la veille encore vacillant, tu vas vaillant vers l’inconnu présent en toi-même et qu’il te reste encore toute la vie à découvrir.
Souviens-toi que tu n’as pas toujours été debout.
Souviens-toi du chemin que tu as déjà dû parcourir jusqu’à toi.
Et souviens-toi que ce qu’il te reste encore à accomplir t’attend déjà en toi.
Tourne-toi sur hier.
Plutôt que de te décourager devant tout le chemin qu’il te reste encore à faire, jette donc un coup d’œil en arrière et félicite-toi pour tout le chemin déjà parcouru.
Aie pleine conscience que tu reviens de loin et qu’aujourd’hui tu n’as jamais été aussi près de toi-même.
Tourne-toi vers demain.
Plutôt qu’avancer avec les plombs du passé vissés aux pieds, regarde droit devant toi, confiant.
Cesse de t’en vouloir d’avoir gaspillé ce qui aurait dû être tes plus belles années et offre-toi de vivre dès aujourd’hui toute la beauté de toi-même qui te reste encore à découvrir.
Tourne-toi à présent.
Plutôt qu’éponger avec ton corps, ton cœur et ton esprit le flux de toutes tes tensions, émotions et préoccupations, tourne-toi et essore-toi de tout ce que tu as absorbé et dont tu peux maintenant t’alléger.
Laisse tomber, laisse pleurer, laisse couler.
Et laisse-toi sécher désormais sous les rayons lumineux de ton Cœur, bercé par le son chaleureux de ton Souffle.
L’essentiel n’est ni derrière, ni devant toi, Tout est en toi. Là. Maintenant.
Debout, deux pieds ici, demain se crée dès aujourd’hui
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Sculpture : Ardha-Chandrāsana en Tadāsana, « Truth is beauty », Marco Cochrane
Illustration : Ardha Matsyendrāsana, Julie Paschkis (in « Twist : Yoga poems »)
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