Si refuser d’accepter (que ce soit une situation vécue ou une part de nous-même) est une violence par la résistance que cela oppose à ce qui est (et par extension, au potentiel d’évolution de cela qui alors se fige), forcer l’acceptation est tout aussi violent et tout autant une négation de l’état actuel (et qui le gèle également…).
Cette acceptation, il ne s’agit pas d’un processus qui se décide de force (même si cette force est activée de façon bien intentionnée : dans la volonté – justement… – de se libérer de la souffrance).
En fait, dès lors qu’il y a une volonté, il y a une tension, qui est elle-même par essence contradictoire avec la notion d’acceptation dans la mesure où cette tension (« tendre vers ») amorce une action orientée vers le changement recherché, vers autre chose que ce qui est là à cet instant, donc.
Or, l’acceptation ne peut advenir que par la détente, dans le renoncement à se débattre dans l’océan dans lequel nous paniquons de n’avoir pas ou plus pied à l’idée de nous noyer. Beaucoup d’agitation (même si celle-ci peut rester invisible car intériorisée) et d’énergie ainsi gaspillée à lutter contre ceci ou pour cela.
Et cette détente ne se décide pas non plus. L’inverse serait un oxymore. La volonté – la tension, donc – ne peut produire la détente. Cette dernière n’apparaît alors que par le contraste à son opposé, mais cela ne revient pas dire que celui-ci en est l’auteur. C’est d’ailleurs souvent source de confusion, poussant ainsi à chercher l’un (la contraction) pour obtenir l’autre (la détente), ce qui reviendrait à établir une sorte de dépendance entre les deux et donc l’impossibilité de vivre l’un sans l’autre, ce qui est par trop atrophiant et limitant.
Néanmoins, l’expérience – ou plutôt : l’état – de cette détente ne peut survenir que lorsque l’on s’est justement tellement débattu contre cette eau par laquelle nous croyons être chahutés qu’émerge alors en nous la conscience que c’est seulement par le consentement à se laisser toucher par elle que disparaît de nous cette croyance qu’elle nous fouette dans l’intention de nous jeter dans son abîme et qu’apparaît alors la science qu’en fait elle nous caresse et nous berce dans le désir aimant de nous porter jusqu’à la surface où, une fois remonté, l’on pourra respirer comme un nouveau-né.
Ainsi, plutôt que faire « un travail d’acceptation » (expression que l’on peut notamment souvent retrouver dans le contexte d’un deuil), il serait sans doute plus juste d’observer ce qui en nous fait résistance à cette acceptation, comment cela se manifeste dans notre corps, dans notre esprit et dans notre cœur, et pourquoi l’on voudrait tant accepter par la volonté ce qui n’est en réalité pas prêt à l’être par ce dernier.
Nous ne pouvons en effet pas désceller de nous par la force ce qui n’a pas été décelé en nous avec subtilité. Cela reviendrait à défoncer une porte au pied de biche alors qu’en fait on a la clé et qu’il suffit juste d’être en présence à soi pour laisser celle-ci faire le chemin jusqu’à la serrure…
Et alors être délivré.
Délivré non pas en s’évadant de nous-même par le refus ou la volonté d’accepter ce qui est, mais au contraire en pénétrant au coeur de nous-même tel que l’on est.
C’est là où et c’est alors que nous rencontrons la Liberté.
Photo : Weeki Wachee Spring, Toni Frissell (couverture de l’album Undercurrent de Bill Evans et Jim Hall)
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Toute cette énergie engagée à s’épuiser à vouloir déverrouiller toutes les prisons derrière lesquelles nous nous croyons emmurés…
Là les blocages, là les souffrances, là les peurs, là les colères, là les hontes, là les haines, et partout en soi les ruines effondrées de soi-même comme mille îles cernées par le sel de nos paupières noyées de larmes.
S’acharner à tout accepter, tout nettoyer, tout alléger, tout purifier et puis prier pour devenir enfin nous-mêmes ou pire ! le meilleur de nous-mêmes avec le corps, le cœur et l’esprit alignés et bien rangés, que rien ne dépasse, que rien ne se bouscule, que rien ne se contredise, et surtout que tout soit tellement plein de sens et bien sensé que c’en est en fin de compte presque insensé…
Non, bon sang !
Il n’y a rien ni personne à libérer !
Ne vois-tu pas qu’en te refusant de ressentir ce qui est là et d’être qui tu es là tel que tu es c’est toi-même qui te prive de ta propre liberté ?
Tout
Vraiment tout
Absolument tout ce que nous ressentons et ce que nous sommes est légitime d’être.
Ça a le droit d’être là.
Ça a le droit d’être là !
Laisse donc cela résonner et raisonner, vivre et vibrer dans chacune de tes cellules !
L’enfermement dans lequel nous nous croyons croupir n’est qu’une illusion qui peut s’évanouir dès un prochain soupir.
Et c’est cet empressement à nous en délivrer qui en fait nous maintient en captivité.
Les pieds et poings liés et le souffle coupé n’existent que parce que nous les conscientisons ainsi et les autorisons à nous enchevêtrer et à nous bâillonner.
Mais nous sommes libres.
Nous sommes libres de faire, de dire et d’être.
Nous sommes LIBRES, bon Dieu !
Et nous l’avons toujours été et nous le serons à jamais.
La Libération advient lorsque nous ne nous considérons plus comme prisonniers.
Nous devenons libres lorsque nous nous octroyons le droit de respirer, de danser, de s’aimer, d’aimer et de se laisser aimer tels que nous sommes là ainsi maintenant et non tels que nous croyons devoir devenir.
Comme s’il fallait attendre d’être libéré de tout pour Cela !
Quelle absurdité !
C’est au contraire Cela qui nous libère de tout !
Si tu n’étais pas libre de vivre – réfléchis donc deux minutes (pas plus hein ! faut quant même pas déconner !) – qu’est-ce que tu foutrais là (là dans ton corps et dans ton coeur, j’veux dire) ?
Et si tu ne trouves pas de réponse, plutôt que de perdre encore ton temps et ton énergie à réfléchir à la question, dis-toi plutôt que c’est sûrement que la question ne se pose même pas ! 😉
(Originellement publié : ICI)
Sculpture : Freedom, Zenos Frudakis
A reblogué ceci sur Julie Shiatsu et soins thaïlandaiset a ajouté:
Parler de liberté est périlleux, car les mots sont trop peu, et l’espace intérieur quand il se retrouve est une sensation à la fois vertigineuse et simple comme le ciel bleu. Si évidente que le désir de la partager est souvent irrésistible, par un sourire, un son, un mot, un dessin, un mouvement… qui dit au monde entier « Je suis là, je suis bonheur ».
Marie s’est prêté à l’exercice de la mise en mots du processus de délivrance, de ses contradictions, de l’errance, des doutes, des efforts, jusqu’à rire de bon coeur de ces complications qu’on se crée sans savoir que nous sommes déjà libres. #foodforthought
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Veryy nice post
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