Inspirer : Confiance

 

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Inspirer ne se décide pas. Personne ne se dit un beau matin ou un soir laid : « Tiens ! Et si j’inspirais ! » ou bien « Tiens ! Non ! Si dès maintenant je cessais ! ».

Ou bien peut-être si, par jeu, enfant ou même plus grand, goût du défi de celui qui tiendra le plus longtemps sans ce souffle sans lequel personne ne tient bien longtemps. Alors ? Combien de secondes ? Ou de minutes peut-être ?

Mais tôt ou tard, on le reprend ce souffle. Si c’est amusant c’est seulement parce que l’on sait bien qu’à tout moment on pourra le reprendre là où on l’avait laissé. Il nous attend. Il n’attend que la confiante dilatation de nos narines pour se laisser engouffrer dans les méandres les plus sombres et sinueux de notre plus grande intimité. Si vaste, si vaste que rien ni personne d’autre que lui ne peut aussi bien et en détails visiter.

Elle est confiance aveugle et sourde cette énergie qui nous porte à laisser entrer dieu sait quel air – plus ou moins pur ou pollué – par nos narines et nous emplir et nous remplir et consentir à la laisser repartir comme elle est venue, mais autrement qu’elle est entrée puisqu’entre temps c’est en nous qu’elle a séjourné. Suspens entre l’inspir et l’expir. Imperceptible.

Et pourtant berceau de l’alchimie divine dans laquelle, sans que qui que ce soit ne s’en émeut plus que cela, tout se transforme comme par miracle, mais un avant-après subtil et sans photo racoleuse d’une transformation si fréquente (plus de 20 000 par jour) qu’elle en est banalisée.

Ce qui est fréquent y perdrait-il de sa beauté ? La lassitude se substitue-t-elle nécessairement à l’émerveillement ? Tout est-il donc destiné, passé un certain temps, à perdre de sa magie et à ôter toute valeur, tout intérêt à ce qui nous fait pourtant tant vibrer, à ce qui nous rend plus vivant que jamais ?

Alors oui, bien sûr, confiance aussi qu’à chaque souffle, s’en suit un nouveau qui – fondu dans la succession presque uniforme du premier daté jusqu’au dernier qui se rapproche à mesure où l’on cherche à l’estimer – perd de sa superbe et de sa majesté comme si un de plus ou un de moins ne ferait pas la différence, qui cela pourrait-il bien intéresser ?

breath+watercolor

Quel fou s’entêterait bien à célébrer chaque souffle qui lui est donné d’inspirer… et d’expirer… ? Un yogi peut-être ? 🙂

Parce qu’en Yoga, on compte chaque respiration. On compte chaque respiration car chaque respiration compte. « Mais tôt ou tard, on le reprend ce souffle. Si c’est amusant c’est seulement parce que l’on sait bien qu’à tout moment on pourra le reprendre là où on l’avait laissé. Il nous attend. » Ah oui ? Vraiment ? Jusqu’au jour où… au souffle précédent, pas de suivant…

D’où la merveilleuse idée de célébrer – oh oui, célébrons ! – chaque instant où le dehors vient au-dedans et ce moment éminemment magique où en un suspens (kumbhaka) il n’existe plus de séparation, plus de frontière, plus de dehors ni de dedans, plus de là-bas ni d’ici, plus de toi ni de moi, où il n’existe en fait plus que l’essentiel, plus que l’Un que nous vivons en nous-même, être incarné dans ce corps qui à peu près 20 000 fois par jour nous offre de vivre la plus magique des expériences qui pourtant passe inaperçue, comme si oh la la, respirer, c’est pas très excitant (et en plus on peut pas le prendre en photo 🙂 ).

Mais parfois il faut faire l’expérience d’être en difficulté à parvenir à respirer pour pouvoir saisir toute la préciosité de ce qui gratuitement et sans compter nous est donné : cette énergie qui n’est destinée à rien d’autre qu’à s’offrir à chacun de nous sans préférer ni léser qui que ce soit, à croître et à mûrir en chacun et enfin alors être prête à éclore et à rayonner plus belle encore qu’elle est née, nourrie de cette transformation qu’elle a créé en nous et dont elle ressort elle-même grandie.

Dès lors, s’il nous faut une confiance immense pour nous laisser inspirer chaque souffle neuf qui se présente à nous (qui plus est en nos temps actuels où les messages anxiogènes concernant la qualité de l’air se multiplient), mais quelle sacrée confiance et quelle confiance sacrée faut-il alors à chaque souffle pour se laisser entraîner jusqu’au Coeur de l’Humanité qui, aussi divisée qu’elle puisse parfois paraître, n’est en fait qu’Une par le fait même qu’elle inspire et expire ce même Souffle par lequel… plus de 20 000 fois par jour… 🙂 elle communie sans la plupart du temps y prêter attention… ?

 


Photo : Body art par Laurita Mazapan

Aquarelle : Benjavisa Ruangvaree


2 réflexions sur “Inspirer : Confiance

  1. Merci pour cette inspiration, bien inspirante…. il est manifeste que les gestes les plus simples , les plus essentiels passent souvent inaperçus car perçus comme naturels, évidents Ce souffle si précieux nous amène à la vie et nous quitte lors de notre mort….. entre il nous nourrit en équilibre !

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