Pour ainsi dire pas un jour où je ne reçois pas une sollicitation par mail ou par téléphone de tel ou tel marchand de tapis (à prendre au sens propre comme au figuré) me faisant la grâce de me proposer une offre ou un partenariat « exclusif » ; et si tu crois pas celle-là, tu pourras toujours courir pour avoir une apparition de Shiva dans ton 33ème chakra !
Alors… question ! Tous ces tapis sont présentés comme étant plus merveilleux (et plus chers… gage de qualité sans doute…) les uns que les autres mais est-ce bien si nécessaire pour (bien) pratiquer ?
La question pourrait s’étendre dailleurs également à la tenue-panoplie-de-la-parfaite-yogini-manque-plus-que-la-cape. Il en va là de même : publicité quasi quotidienne et tarifs dont l’indécence finit par faire penser qu’apparemment l’éveil n’est pas à la portée de tous les budgets…
Ce qui est amusant c’est qu’au milieu de la prolifération des sponsorings hashtag-marque-super-branchée-dont-le-business-plan-sera-bientôt-au-programme-du-dernier-TTC-pour-devenir-prof-de-yoga-mention-ultra-cosmique, on trouve des incitations à la non-consommation, à la modération, au retour à l’essentiel dont on rappelle qu’il est intérieur et non pas accessoire, etc etc. mais bon si c’est estampillé green ça compte pas, si ?
Alors ? Qu’a t’on vraiment besoin pour pratiquer ? Certes un tapis peut être utile, il ne s’agit pas de prôner une pratique à même le macadam ou sur les graviers de l’entrée, même si c’est ceci dit toujours mieux que des tessons de bouteille ou des charbons ardents. Mais un tapis n’est pas indispensable non plus pour pratiquer, on peut faire aisément sans.
En vérité là où la pratique est la plus intéressante et la plus vivante c’est lorsqu’on l’autorise à déborder du tapis justement !
C’est lorsque l’on ne se limite pas à ce périmètre somme toute franchement étroit pour laisser son coeur battre bien au-delà d’un cadre à enrouler et remballer aussitôt le dernier Namaste prononcé.
Que ce rectangle de tissu, de caoutchouc, de liège ou de je ne sais quelle matière certifiée haut potentiel de Samadhi ne soit pas un nouvel élément réducteur d’espace et de temps dans lequel s’enfermer en croyant au contraire s’y libérer.
Si la pratique s’arrête aux frontières du tapis – quelle que soit son étiquette – sans lui laisser la chance de s’exporter au-dehors, donc au-dedans mais autrement, à quoi bon alors ?
Juste y prendre un shoot de Prana pour retourner ensuite à ses activités comme si de rien n’était ? Alors que le forfait (yoga) inclut pourtant sans que personne ne le sache l’avant et l’après (séance). Ce serait comme aller au théâtre juste pour l’entracte et vivre le reste du spectacle en apnée, yeux fermés et oreilles bouchées.
Qu’est-ce qui fait alors que la pratique est magique… et non pas le tapis… ?
Eh bien lorsque l’on ne fait plus la différence entre ce qui se passe au-dessus et au-dehors de celui-ci.
Lorsqu’il n’est plus que ce qu’il est : l’accessoire et non pas l’élémentaire.
Lorsque la seule « chose » dont on a réellement besoin n’est en fait rien d’autre que soi.
Et c’est bien assez.
Dans un autre registre, à lire aussi : Ton tapis (de Yoga) te parle…
A lire aussi : Le grand cirque du Yoga*
Illustration : Méditant sur tapis volant, Sundaram Rajam
Quelle belle plume! Merci. Je suis d’accord avec toi; moi aussi j’en ai ras-le-bol de tout ce marketing autour du yoga, comme si tel tapis, tel haut ou bas, tel bracelet-mala allait faire une différence! Le yoga peut et devrait se pratiquer partout. De quoi a-t-on réellement besoin?
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