Le « vrai » yoga est-il une sorte de quête du Graal ?

À force de voir passer tout un tas de choses diverses et variées au sujet du yoga (c’est pas ça qui manque…), m’est ce matin venu en tête ce questionnement : « Le « vrai » yoga est-il une sorte de quête du Graal ? ».

Pour aller un peu au-delà des chevaliers de la Table Ronde, j’ai cherché pendant environ une minute et demie (pas davantage parce que je voulais éviter de me perdre à trop chercher) et j’ai découvert qu’en physique, on parle de « Graal des physiciens » pour désigner la théorie de grande unification, soit la théorie du tout, que l’on retrouve également en philosophie pour désigner la possibilité d’une explication ultime, universelle de la réalité.

Et c’est bien de cela dont il question j’ai l’impression. Avec tous les yoga-truc, yoga-bidule, yoga-machin apparus ces dernières années sur « le marché du bien-être » (c’est bien ainsi que ça s’appelle paraît-il…), de plus en plus de personnes considérant tout cela comme une vaste mascarade de l’ordre du divertissement prétexte à la consommation [ je l’avais moi-même fait il y a plusieurs années : Le grand cirque du Yoga * ] dénaturant ainsi l’essence du « vrai » yoga se retrouvent alors comme missionnés à le définir ce fameux « vrai » yoga.

Après la mode de tous les yogas à particule exotique, ésotérique ou juste racoleuse, il semblerait bien que la mode soit maintenant à la dénonciation de toutes ces pratiques considérées hérétiques par celles et ceux qui se revendiquent défenseurs de « la tradition », le yoga « pur », « des origines » qui ne serait pas sali par les fantaisies occidentales pour le rendre plus sexy et donc plus rentable aussi.

Ce qui est intéressant c’est que soudain certain(e)s qui étaient jusque là hypnotisé(e)s par les sirènes du yoga-fashion sortent à présent du grand bain devenu subitement trop moussant pour désormais aller nager dans l’océan indien du « vrai yoga traditionnel » avec les requins qui les attaquaient avant de – retournement de situation oblige – devenir avec eux copains comme poissons.

Tout change. Les modes. Les opinions. Les intérêts.

Il y a aussi bien des « yogis » – voilà bien encore un terme qui ne veut rien dire d’ailleurs… – qui ont le cul entre deux zafus, encore un pied sur le tapis dernier-cri mais un autre déjà sur le tapis premier-cru, ne parvenant pas tout à fait à renoncer au yoga qui les avait séduit avec ses chakras colorés et autres babioles énergétiques mais à force d’être tellement critiqués par les « vrais » yogis reconnus ou autoproclamés, hantés par des questions de crédibilité et de légitimité, ils en viennent à se dire qu’il serait temps de changer de camp.

Parce que c’est bien ce qui se passe il semblerait. D’un côté le « vrai yoga » et de l’autre « le yoga de supermarché » ?
Pour celles et ceux qui pratiquent pour pratiquer, vous ignorez peut-être les querelles de chapelles qui se jouent dans « le milieu » (ok, le terme fait très mafia, j’ai cherché autre chose mais tout compte fait il convient bien je trouve). Et heureux soyez-vous j’ai envie de dire !
Mais il y a les autres qui sont, comme je le suis, témoins désolés de cette arène dans laquelle les egos s’applaudissent ou se lynchent eux-mêmes.

Beaucoup de critiques, certes souvent fondées, de ce qui est considéré comme « faux yoga », et ça fait rigoler tout le monde même celles et ceux qui sont visé(e)s sans un instant s’apercevoir qu’ils/elles font partie des cibles…
Mais par contre très peu pour relever le phénomène arroseur arrosé, à savoir l’absurdité du phénomène « c’est moi qui sais, ce yoga là c’est de la merde, moi je pratique / j’enseigne le vrai de vrai ».

Alors certes, cultiver le discernement et l’esprit critique est fécond et nécessaire. Il est, sans aucun doute à ce sujet, essentiel de connaître et de respecter ce que l’on pratique, de veiller à préserver la qualité de ce qui est transmis avec justesse, intelligence et cœur.
Ce n’est certainement pas moi qui vais dire faisons tout et n’importe quoi, c’est fabuleux, ouaiiiiiis ! Et pourvu que tout le monde suive !

Toutefois, je m’interroge sur cette nécessité à rechercher la reconnaissance et l’approbation sur l’authenticité (puisque le mot est à la mode, de fait…) du « vrai » yoga auquel on croit, que l’on pratique, duquel on parle, sur lequel on écrit, que l’on partage, que l’on transmet (parce qu’il ne faut surtout plus dire enseigner ouh la la, malheureux ! tu vas passer pour celui qui sait si tu dis ça alors que tu ne veux pas du tout passer pour celui qui sait même si tu crois quand même que tu sais, mais les autres ne doivent surtout pas savoir que tu crois que tu sais hein !…).

Pourquoi avoir sans arrêt quelque chose à (se) prouver quant à cette prétendue authenticité ? Et pourquoi le faire constamment en dénonçant et en descendant ce que l’on considère comme en étant dépourvu ?

J’en viens à me dire encore que le silence est d’or. Et rien de démago là-dedans. Ce n’est en rien un renoncement à l’esprit critique. Au contraire. L’esprit critique est peut-être là où il n’est pas besoin d’aboyer pour revendiquer ceci ou piétiner cela. Incarner simplement ce en quoi nous croyons sans perdre d’énergie à le justifier ou à y convertir. Rien à dire de plus. Être suffit.

Et cela n’empêche en rien le dialogue. Au contraire. Cela le nourrit. Il ne s’agit plus d’une voix, persuadée et persuadant d’être celle de la raison, et prenant dès lors toute la place. Mais plutôt être témoin par notre simple existence de ce que nous vivons, laissant ainsi aussi la place à l’écoute de l’expérience de chacun.
Et pour une fois accueillir vraiment celle-ci en l’interrogeant non pas pour pouvoir mieux la démonter mais plutôt pour pouvoir mieux la comprendre. Comprendre ce qui a amené l’autre à cette expérience-là, pourquoi, comment et sentir aussi tout le potentiel d’évolution qu’il /elle porte en lui / elle.

En somme, faire chemin à côté plutôt qu’au-dessus.
C’est peut-être bien cela le « vrai » yoga : faire chemin ensemble, sans cloisonner ni diviser.

_______________________________________________

Collage : Jen Fountain (Luna Lingua)


Une réflexion sur “Le « vrai » yoga est-il une sorte de quête du Graal ?

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s