Secoue ton tapis et continue de nettoyer la vitre !

(Attention, cet article n’est sponsorisé par aucune marque de produit ménager 👯‍♀️)

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Parce que dans la pratique, il y a tout ce que l’on voit ; là où le discernement est rendu actif en conséquence de la pratique et permet ainsi de connaître l’expérience et l’état d’unité : l’observateur, l’objet observé et l’observation (ou éclaireur, éclairé et lumière) ne faisant qu’un.

Mais… dans la pratique, il y a aussi tout ce qui est/reste/devient planqué sous le tapis… et qui parfois – et parfois même souvent – est recouvert par la pratique elle-même…
Oui, oui. Comme un camouflage inconscient en quelque sorte.

Un peu comme lorsque l’on nettoie une vitre sale avec… un chiffon sale…
On se satisfait alors de voir partir la couche de saleté qui disparaît par l’acte de frotter (pratiquer) mais sans se rendre compte qu’en ôtant celle-ci, on ne fait en réalité que la remplacer par une autre. Sauf que celle-ci on ne la voit pas (ou beaucoup moins)…
On croit ainsi la vitre propre alors qu’il n’en est rien. Et c’est sans doute là qu’est le danger si l’on peut dire. Confondre ce qui est encore trouble – tout en croyant que ça ne l’est plus – avec la clarté. Et se féliciter de cette fausse transparence prise pour vraie.

La pratique qui ne serait rien d’autre qu’une identification de plus pour remplacer toutes les autres considérées comme étant moins « spirituellement » gratifiantes ne fait que nourrir autrement, et peut-être bien de façon plus pernicieuse encore, la confusion avec l’ego.

Et c’est là où l’on ne peut s’en sortir seul.

Oui, la pratique est avant tout personnelle, soi face à soi, avec soi et en soi.
Oui, il y a beaucoup d’opportunisme égotique et économique chez la plupart des prétendus « maîtres spirituels » que l’on trouve sur le « marché », même s’ils s’en défendent de façon plus ou moins habile pour mieux noyer le poisson. Et en ce domaine, comme en d’autres, la vigilance ne devrait jamais être optionnelle.

Mais.
S’il n’y a pas à un moment donné le regard extérieur de ta mère, du facteur ou d’un pigeon ramier pour te dire alors que tu les fais entrer chez toi pour boire le thé : « Mon dieu, tes vitres sont dégueulasses ! 😅 », tu continue d’être persuadé de leur transparence à tel point que tu ne t’en préoccupe même plus, convaincu que ce qui est fait n’est plus à faire.


Certes la lumière est à l’intérieur etcetera etcetera (il y a sur ce blog déjà assez de textes – pour ne pas dire tous – à ce sujet), mais la pratique a besoin d’être éclairée de l’extérieur pour nous permettre de reconnaître que cet(te) (lumière) extérieur(e) n’est que le reflet de notre (lumière) intérieur(e).

Autrement dit, on voit parfois mieux avec d’autres yeux que les nôtres. Ou plutôt, nos yeux ont besoin de ceux des autres pour apprendre à encore mieux voir.

Un peu comme les rayons du soleil qui tout à coup reverbèrent dans la vitre et nous révèlent ainsi que celle-ci n’est en fait pas aussi propre qu’on le croyait, nous permettant ainsi de réajuster afin de nous permettre de mieux voir à l’extérieur ET à l’intérieur, l’un n’allant pas sans l’autre, cette fameuse vitre ouvrant sur les deux côtés qui de fait ne font qu’un.

C’est ça le « guru », souvent étymologiquement transcrit comme « lumière qui dissipe les ténèbres ».
Et ça, quiconque nous fait office de miroir à travers les yeux duquel l’on peut se voir de façon plus complète qu’à travers notre seul regard soumis aux filtres de ce que l’on croit à notre sujet, quiconque donc, peut l’être.
Et de la même manière, nous pouvons l’être nous aussi pour quiconque.
(Revoir éventuellement le texte suivant : À la recherche de son (loup-)gourou)

Il s’agit d’une relation. Rien n’est possible si une des deux parties n’est pas de la partie justement.
On pourrait dire que « guru » (au sens donné ici) ne l’est que par rapport à celui pour qui il l’est. Sans la réceptivité ACTIVE de ce dernier, « guru » disparaît ou pour être plus exact : n’apparaît pas.

« Guru » l’est sans le savoir et l’est précisément parce qu’il ne le sait pas.
« Guru » qui se croit l’être ne l’est déjà plus parce qu’il prend trop de place.
C’est celui pour qui il l’a été qui le sait / C’est celui pour qui il l’est qui le saura plus tard.
S’il le sait au même moment, c’est risquer d’accorder plus d’importance au révélateur qu’à la révélation.

La lumière ne se voit pas, on voit grâce à elle mais elle, ne se voit pas. Sinon ça n’est pas la lumière.
Tout comme l’on reconnaît une vitre propre au fait que l’on ne voit plus la vitre, on oublie la vitre, il n’y a plus de vitre ; il n’y a plus que la transparence.

Ainsi, le soleil révèle la saleté d’une vitre que l’on croyait pourtant propre, mais ce n’est pas pour autant qu’il la nettoie.
De la même façon, si l’on ne soulève pas le tapis, on ne peut voir tout ce qui imperceptiblement s’y cache en-dessous ; si on ne le secoue pas, on ne peut voir la poussière qui s’y était accumulée sans que l’on puisse pourtant le soupçonner.

D’où l’importance d’entretenir sa pratique par la présence à la vie elle-même, à toutes les interactions – révélatrices sans le savoir – qui la composent et à tout ce qui se joue en permanence en nous et autour de nous.
Sinon la pratique est comme un chiffon sale pour nettoyer une vitre sale ou un tapis au motif du camouflage de toutes nos absences et de tous nos manques de transparence à nous-mêmes et au monde.

Or, pas de pratique vivante sans réceptivité active : nous ne faisons rien nous-mêmes mais rien ne se fait sans nous.

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Peinture : Vanessa Stockard

Gif : Catherine Cordasco


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