Laisser la Vie nous prendre sous son aile

Laisser la Vie nous prendre sous son aile,
Nous emmener là où elle nous souhaite,
Même si ça n’est pas là où, nous, on le souhaite,

La laisser nous porter, nous emporter, nous transporter,
Sans nous débattre de tout notre être,
Sans secouer ni les jambes ni les pieds,
Sans agiter ni les bras ni les mains,

Sans refuser dans un non-non de la tête
Qui vient nous mettre, nous soumettre, nous compromettre à contrecœur,
À contre-courant des vents, des flux et des flots, soufflants, mouvants et renversants, buvant-recrachant la tasse vide-et-pleine,
À contre-champ des racines – de l’humus au bourgeon – d’une terre qui nourrit-et-pourrit,
À contre-temps des braises – de la cendre à la flamme – d’un feu qui s’étend-et-s’éteint,

Abandonner tous les je-sais-mieux-que,
Toute l’arrogance qui refuse et s’oppose,
La toute-puissance qui exige et impose,

Déposer toutes les armes et tous les boucliers,
Se reposer ainsi nu, cru et démasqué,
Comme un nouveau-né bercé dans les bras du Monde qui l’a créé,
Comme un presque-mort livré aux mains de l’Absolu qui l’a rappelé,

Totalement offert et ouvert dans ce don et cet abandon total de soi,
Laisser la Vie nous prendre sous son aile,
Non plus, non pas par notre volonté, mais dans la Sienne,

Baigné dans ce plus-grand-que-soi comme une étoile allaitée au sein de la voie lactée,
Dans cette entière liberté de n’avoir rien à prouver ni à justifier,
Simplement être là, sans dette de vie à rembourser par un prétendu sens à lui donner,

Être là sans raison ni intérêt,
Et dans cette humble présence dénuée de tout sens,
Tout trouve son sens sans même la peine de le chercher,
Tout est à sa place sans qu’il n’y en est une à gagner ou à attribuer,

Tout est donné dans la gratuité,
Sans que rien ne soit prémédité pour nous gratifier ou nous châtier,
Sans aucun mérite à acquérir et à brandir comme un trophée,
Sans aucune souffrance à sacrifier sur un autel où nous sanctifier,

Laisser la Vie nous prendre sous son aile,
Elle est bien assez grande pour nous laisser tous ensemble y demeurer,
Allégés de l’ambition de prendre les rênes qui en fait nous enchaîneraient,
Libres de tout joug de pouvoir, de vouloir, de savoir, de devoir et d’avoir, comme autant de miroirs aux alouettes déchues,

Simplement être,
Être sous l’aile, même pas dessus,
Sous l’aile du « Oui » qui se dit au « Sois ! » qui, sans pourquoi, nous a conçu.

***

Laisser la Vie nous prendre sous son aile,
Et…
De Balāsana à Savāsana,
De Savāsana à Balāsana,
Nous laisser être traversé par Elle.

______________________________________

Peinture : Balāsana (posture de l’enfant), Katie Schuessler

Installation : Savāsana (posture du cadavre) / Snow angel, Ngaire Jackson


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