
Lundi dernier, à la fin d’un cours, une des pratiquantes est venue me voir pour me remercier d’avoir dit à un moment lors de la séance : « Si cela semble trop intense pour vous ce soir, soyez libres de quitter plus tôt la posture. Ca n’est pas tant le nombre de respirations où vous y restez qui compte que la qualité de présence que vous y mettez. Il vaudra toujours mieux seulement 3 respirations pleinement présentes plutôt que 12 dans l’impatience que ça s’arrête enfin ce truc. »
Ça a été pour elle une révélation dans sa pratique, m’a t’elle dit, dans la mesure où elle a pu réaliser que souvent elle se force à aller jusqu’au bout, alors que… Et donc là, pour la première fois, elle s’est autorisée à déposer tranquillement le moment venu plutôt que le faire avec empressement une fois ce qu’elle croit être « le devoir » accompli.
Je n’avais pas l’impression de dire cela pour la première fois. Je ne le dis pas systématiquement, mais parfois tout de même. Mais c’est la première fois qu’elle l’entendait. Peut-être m’avait-elle déjà entendue le dire, mais c’est la première fois qu’elle l’entendait vraiment. Et j’en étais profondément touchée car, comme je l’accompagne également de temps en temps en cours particuliers aussi, je sais qu’elle a une pratique personnelle régulière et que donc cette simple révélation qu’elle a eu aura un profond impact dans son quotidien. Sur le tapis. Mais probablement pas que : en dehors aussi.
S’autoriser à arrêter avant que ça n’arrive à la limite de l’insupportable…
Je me permets de partager cela ici car il me semble important de revenir sur le fait que : même s’il/elle pratique peut-être* depuis plus longtemps que vous, même s’il/elle a peut-être* davantage d’expérience et de connaissances que vous sur le Yoga (*j’écris « peut-être » car cela reste à prouver, ça n’est pas toujours ou pas forcément le cas…), votre professeur de Yoga ne connaîtra jamais mieux que vous-même ce qui est juste pour vous.
Je le réécris parce que cela me paraît vraiment essentiel : votre professeur de Yoga, ni personne d’autre d’ailleurs, ne connaîtra jamais mieux que vous-même ce qui est juste pour vous.
Alors oui bien sûr, il/elle donne des indications : réaliser telle posture, de telle façon, tel pranayama, explorer cela durant un temps donné de respirations, etc etc. Mais tout cela reste des propositions, des invitations à expérimenter et à laisser œuvrer en soi. Pas des consignes rigides à suivre au pied de la lettre sans quoi il y aura des coups de sangle qui se perdent ! 😬
Il est certes convenu d’emprunter les chemins proposés, car si l’on fait tout ce que l’on veut à sa façon dans le mépris total de ce qui est indiqué par le professeur (je le dis sans exagération car j’ai déjà eu l’occasion d’être confrontée une paire de fois à cette situation) eh bien autant rester chez soi pour pratiquer tout.e seul.e hein… 😅 Pratiquer en cours c’est aussi l’opportunité d’explorer l’inédit à travers ce qu’une autre créativité que la nôtre peut suggérer (et non imposer).
En revanche, le professeur n’est pas un dresseur de fauves et ses indications ne sont que des indications, pas des injonctions auxquelles se soumettre aveuglément, ce qui signifie qu’elles peuvent être adaptées : suivre ce qui est indiqué, oui, mais sans rigidité ; s’approprier ce qui est proposé de telle sorte que la pratique soit vivante et non juste une règle à appliquer.
On lit / on entend souvent que le Yoga est une voie de connaissance de soi. Oui. À travers l’exploration, par le corps, le souffle, la conscience, les postures, la respiration, l’attention, on accède à ce qui, en nous, nous est encore inconnu, un mystère infini, insaisissable, qui n’est ni à résoudre ni à percer, mais simplement à embrasser d’une façon toujours renouvelée.
On le voit notamment dans l’anecdote que j’ai partagé plus haut : soudain réaliser que ce qui est juste pour nous-même, personne d’autre que nous-même ne peut le contacter mieux que nous… et en réalisant cela, il est plus « facile » alors d’être attentif.ve à ce qui nous convient ou non, à identifier comment ajuster le plus finement possible (tout ceci étant – mais est-il encore nécessaire de le préciser ? – valable à la fois dans les postures mais également au quotidien).
On dit souvent aussi que le professeur est comme un guide… Mais, hummm… plus ça va et moins ce terme me convient, lui préférant celui d’accompagnant. Un guide c’est celui qui marche devant, qui sait où l’on va, qui mène la danse et derrière, ça suit. Tandis qu’un accompagnant marche à côté, le chemin se fait ensemble, à un rythme auquel chacun peut s’adapter, en choisissant de concert les routes empruntées : personne ne sait ou ne prétend savoir où l’on va, mais quoi qu’il en soit on chemine et le chemin se crée sous nos pieds.
Comme je l’exprimais dans mon texte précédent publié lundi… :
« […] Ni trop loin, ni trop près,
Être avec, au côté
Ni au-dessus, ni effacé,
Juste avec, aux côtés
Simple présence qui accompagne
Sans diriger,
Ni abandonner […] »
Quoi qu’il en soit, le maître, si tant est qu’il y en ait, n’est jamais ailleurs qu’en soi. Et si, dans un cours de Yoga, on n’entend qu’une seule voix – celle du prof – celle-ci ne fait en fait – certes par divers biais – rien de plus qu’inviter à mieux écouter celle qui, en soi, dans l’écho du silence, exprime l’essentiel, un essentiel non pas auquel se soumettre, mais simplement à laisser se révéler.
*
Illustration : Conversation mystique, Odilon Redon, 1896
Pertinent. Je pratique le yoga avec le corps d’aujourd’hui.
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Très juste, merci pour ce partage.
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C’est pas faute de le rappeler en début de sequence, on fait avec le corps que l’on a à ce moment là ! Merci pour cette réflexion juste
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