
Et si ce qui nous limite nous permettait
de nous révéler nous-même à notre créativité ?
Créativité par laquelle
se découvrir vivre libre.
Toujours.
Quels que soient les murs
– parfois même grâce aux murs –
Indépendamment de tous cadres,
même de ceux de notre propre corps,
de notre propre esprit,
dans lesquels nous ne sommes cloisonné.e.s,
mais au sein desquels nous pouvons même nous déployer
Libéré.e.s de l’oppressante impérativité
de sortir d’une prétendue zone de confort,
hors de laquelle la vie
– soit disant la vraie –
commencerait
Et si la limite était le tremplin ?
Le tremplin d’un chemin
qui ne se projette pas
– plus –
vers un au-delà qui,
s’il est à atteindre,
serait dès lors lui-même limité
Et si la limite nous offrait
l’opportunité d’explorer
l’infinité des possibilités
de ce qui est là, à notre portée ?
Tends le bras,
Il n’est pas toujours nécessaire d’aller plus loin que tes doigts,
ce que tu touches te touche,
qu’y a-t-il donc à ajouter ?
Lève la tête,
Quel plafond
– qu’il soit de verre ou de béton –
voudrais-tu donc dépasser ?
Le ciel est équidistant de tout ce qui est
Ferme les yeux,
Dans quel monde incréé
crois-tu donc pouvoir t’évader,
pourtant encore prisonnier
des caprices de ta propre pensée ?
Le sacré est concret,
Nul besoin de l’inventer
hors des limites qui l’étoufferaient
Composer avec la réalité
qui, si l’on cherche à s’en échapper,
vient nous rattraper, nous ramener,
Là.
Tu es là,
et ça n’est pas un sale constat,
non pas des murs qui t’enferment contre lesquels tambouriner,
mais plutôt murs qui te soutiennent et te supportent
– et bon sang quel mérite parfois de parvenir à te supporter !
La fonction des limites est peut-être de permettre à toute chose et à tout être de prendre forme,
De se laisser le temps et le lieu pour être ;
Multiplicité de l’être qui ne s’invente pas,
non,
mais qui se révèle
– réceptivité active –
Ce qui se vit à travers soi,
Soi dont on ne s’absente pas pour aller Le trouver dans tous les « là » fantasmés où en fait Il n’est pas si nous-mêmes n’y sommes pas.
Si nous ne nous laissons pas rencontrer – et être rencontré.e.s par ! – l’Illimité présent au cœur même de ce qui nous est limité,
peut-être bien que nous nous condamnons nous-mêmes à l’intranquillité.
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Photo : Klaus Rinke, Boden, Wand, Ecke, Raum (Sol, Mur, Coin, Pièce), 1970