
Peut-on se contenter de juste contempler
Tout ce qui se manifeste,
en nous,
et autour de nous ?
Une contemplation qui ne chercherait pas à interpréter pour tenter de comprendre et saisir,
qui ne chercherait pas non plus à modifier pour tenter d’améliorer et embellir,
Une contemplation dans laquelle il n’y aurait rien à trouver,
ni les manques qu’il conviendrait de combler,
ni les excès qu’il faudrait retirer,
ni même les brèches qu’il importerait de réparer,
Une contemplation qui se contente de contempler,
qui contemple sans commenter,
libre de toute admiration qui réclamerait la fusion,
libre de toute dévalorisation qui inclinerait à la répulsion,
Une contemplation dans laquelle tendrement pourraient se déposer
– comme des armes qu’on abaisse avant qu’elles ne blessent –
les volontés de compréhension, d’appréhension, d’intervention, d’appréciation et de dépréciation,
Allégé.e.s de la vanité de croire savoir et avoir,
et ainsi délivré.e.s de la perversité d’être en fait
contrôlé.e.s par ce que l’on croit contrôler,
capturé.e.s par ce que l’on croit capturer,
possédé.e.s par ce que l’on croit posséder,
Peut-on se contenter de juste contempler
tout ce qui se manifeste en nous, et autour de nous,
sans en faire des objets,
encore moins des sujets,
mais juste les contempler comme de simples volutes de fumée
qu’on laisserait se créer, s’épanouir, se transformer, s’évanouir, et, et… ?
Peut-on juste contempler
et sans même s’acharner à juste contempler,
sans lutter et nous faire violence contre tout ce qui nous empêche de juste contempler,
sans nous blâmer pour nos résistances à la transparence qui nous laisserait simplement
traverser ce qui nous traverse
et être traversé.e.s par ce que l’on traverse ?
Peut-on juste contempler
sans tous nos avec,
et avec tous nos sans,
avec tous nos avec,
et puis sans tous nos sans ?
Peut-on juste contempler
et nous laisser être contemplé.e.s par ce que l’on contemple,
et plongé.e.s tout entiers dans la contemplation,
laisser tout ce qui disparaît disparaître,
mais aussi laisser tout ce qui reste rester ?
Contempler tout cela et,
Et voir que tout cela est bon.
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Illustration : Ponder, Helvetica Blanc