
Peut-être qu’il y a ce point de bascule,
Point de bascule où, de la pratique que l’on connaît – ou plutôt que l’on croît connaître à force de la répéter –
Une porte secrète s’offre de se dévoiler
Porte qui en fait s’avère toujours ouverte alors qu’on s’épuisait à en chercher la clé,
Porte-fenêtre si transparente que la main et l’être tout entier peuvent bien la traverser,
Point de bascule qui nous fait passer, comme l’on passe un simple seuil que rien ne délimitait,
Point de bascule qui nous fait passer de ce que l’on fait à ce qui, au-delà de ce que l’on fait,
Se prolonge…
Mouvement ininterrompu – même en plein coeur de l’immobile – et dont l’origine et la fin ne font qu’un,
Tant est si bien qu’il se révèle n’être rien d’autre que la source elle-même,
Jamais tarie, d’où sans cesse il jaillit et à la fois revient
Qui se prolonge plus vastement,
Si infiniment vaste au-delà de nous que l’on n’aurait jamais imaginé pouvoir le contacter
Qui se prolonge plus profondément,
Si intimement profond en nous que l’on ignorait jusque là même que ça existait
Et le vaste au-delà et le profond en soi se réalisent comme conjoints
Qu’en réalité rien ne peut jamais séparer, si ce n’est notre oubli de leur union sacrée
Point de bascule du geste que l’on croit décider
Au pouvoir de s’abandonner au geste qui en nous se décide
Point de bascule de l’initiative que l’on prend –
Comme juste passer un fil dans le chas d’une aiguille –
À ce qui ensuite, de cette initiative, peut se tisser
Simple cocréateurs avec la vie elle-même
Qui nous désire,
Nous porte
Et nous délivre de toutes nos fuites à l’encontre de son courant dans lequel
Désapprendre à nous débattre pour juste nous y laisser flotter
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Photo : Robert Stivers