… jusqu’à ce que savāsana s’en suive…

Dans le savāsana de ma pratique de ce matin m’est revenue une anecdote qui insista puisque juste après, en allumant mon téléphone, je suis tombée par hasard sur ce sublime tableau d’Anselm Kiefer exposé au Guggenheim de Bilbao.
Alors je me suis dit que ça valait peut-être la peine de la partager ici.

Il y a quelques semaines, en plein cours, dans une pratique qui semblait un peu intense, est sorti de mes lèvres spontanément :
« N’oubliez pas de respirer… [ silence ] jusqu’à ce que… »
– Éclat de rire collégial des plus de 70 ans, fidèles à mes cours depuis une dizaine d’années, majoritaires dans ce cours –
Avant que je rattrape ma phrase par : « … jusqu’à ce que savāsana s’en suive… »
– Leur rire que j’adore (provoquer et) entendre chaque lundi reprit de plus belle –
Moi alors de continuer : « … et ça viendra bien assez vite, alors en attendant… »
– Et il y eût alors la grâce de ce silence qui avait l’indescriptible sauveur* de la joie paisible.
(*je voulais écrire « saveur », mon téléphone a corrigé automatiquement en « sauveur »… soit ! 🙂)

Précieux.
Infiniment précieux ce genre de moments partagés dans lesquels la vie, tout ce qu’elle implique et donc aussi la mort qui en fait partie sont à la fois pleinement conscients et en fait aussi pleinement aimés, sans déni ni dramatisation, juste ouverts et offerts à ce qui s’ouvre et s’offre tôt ou tard mais en tous les cas toujours dès à présent à nous.

Cela me fait penser à ce haïku de Natsume Sôseki, très beau :
« Sans savoir pourquoi
J’aime ce monde
Où nous venons pour mourir »

Et aux mots dont je me rappelle de Jean-Claude Carrière, interviewé sur France Inter vers la fin de sa vie.
Étant donné son oeuvre, on l’interrogeait sur sa spiritualité et on lui demanda s’il croyait en la réincarnation. Il répondit que de nombreuses personnes ont une pratique spirituelle pour se préparer en quelque sorte en prévision de leur vie après la mort. Lui disait ne pas savoir s’il y a une vie après la mort mais une chose est sûre en tous les cas c’est qu’il y a une vie avant la mort et, à force de se préoccuper de celle qui vient peut-être après, il serait bien de ne pas l’oublier.

Pour reprendre la paraphrase inspirée d’une citation de Robert Filliou* que Philippe Filliot en a fait : « Le yoga est ce qui rend la vie plus intéressante que le yoga. « 
(* « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art. »)

Alors… en attendant, mais sans attendre, ne pas oublier de p̶r̶a̶t̶i̶q̶u̶e̶r̶ vivre… jusqu’à ce que savāsana s’en suive… 🙂

***


Peinture : Anselm Kiefer, Les ordres de la nuit


Une réflexion sur “… jusqu’à ce que savāsana s’en suive…

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