
« Je ne suis pas pressé. Pressé pour quoi ?
La lune et le soleil ne sont pas pressés : ils sont exacts.
Être pressé, c’est croire que l’on passe devant ses jambes
Ou bien qu’en s’élançant on passe par-dessus son ombre.
Non, je ne suis pas pressé.
Si je tends le bras, j’arrive exactement là où mon bras arrive.
Pas même un centimètre de plus.
Je touche là où je touche, non là où je pense.
Je ne peux m’asseoir que là où je suis.
Et cela fait rire comme toutes les vérités absolument véritables,
Mais ce qui fait rire pour de bon c’est que nous autres nous pensons toujours à autre chose
Et sommes en vadrouille loin d’un corps. »
Fernando Pessoa, Poèmes païens
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Beaucoup craignaient l’ennui que laissait présager ce confinement dont nous expérimentons seulement le début.
Et finalement tout le monde se retrouve presque plus débordé qu’en « temps normal » à regarder des vidéos, écouter des émissions, lire des articles…, ne laissant surtout pas ce fameux ennui tant redouté avoir le temps de ne serait-ce qu’émerger.
Coupés de l’hyperactivité habituelle, on s’invente une autre hyperactivité, dans l’urgence de surtout trouver toujours quelque chose à faire pour ne pas avoir à être confrontés au moindre temps mort, au moindre silence nous laissant face à face alors avec notre propre vacarme intérieur bien obligé de faire toujours davantage de bruit pour tenter de se faire entendre à force d’être fui pour ne pas l’écouter…
Débordés d’abord à force de tomber (aïe !) – sans même les chercher tellement elles jaillissent de partout (et surtout de nulle part) – aussi bien sur l’information que sur la désinformation, et sur toutes ces analyses pseudo-scientifiques, pseudo-sociologiques, pseudo-spirituelles et même pseudo-personnelles du pourquoi (en est-on arrivés « là ») et du comment (va-t-on se sortir de « là »).
Débordés aussi à chercher la logistique et l’intendance les meilleures et les plus efficaces comme si soudain tout cet espace alentours vécu comme réduit nous semblait si petit qu’il en devenait presque trop vaste pour parvenir à s’y organiser, négligeant ainsi l’infinie disponibilité de notre espace intérieur qu’aucun confinement ne pourrait jamais parvenir à amoindrir.
Débordés encore à absolument (r)établir le contact avec plein de gens avec lesquels on ne communique d’ailleurs pas particulièrement « habituellement », repoussant à plus tard et à plus loin la connexion à ce qu’a à nous dire notre propre cœur.
Débordés enfin à penser déjà à l’après, à quand les projets reportés pourront enfin à nouveau être mis sur les rails du réalisable dans la projection effrénée du moment où ils seront enfin réalisés pour pouvoir déjà se lancer dans le TGV du prochain projet… Comme si le chantier de la cathédrale de notre présent n’était pas encore assez pour nous y consacrer tout entier sans s’en échapper…
Et si ce temps pouvait être l’opportunité de privilégier la qualité à la quantité (dans tous les domaines) ? Et si ce temps pouvait être une invitation à prendre le temps de vivre et de se laisser ainsi toucher par ce don précieux de vie dont on peut décider de gaspiller ou d’honorer le temps qui nous est offert ?
Assieds-toi et marche
Prosterne-toi aux pieds de ta demeure intérieure
Et lève-toi au sommet de ton propre cœur
Seul espace dans lequel Tout est réuni
Marie
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Sublimes aquarelles de Aphra Natley
Simplement Merci ;))
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Quel beau texte! Merci!
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Hello Marie ! Merci ! Ne soyons pas pressé(e)s, respirons dans le calme, la pratique et l’assise. Gratitude pour ce retrait du monde et dédicace de soutien à ceux qui souffrent. Hari Om
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Merci Marie!
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