La pratique peut-elle vraiment nous sauver ?

Il y a cette phrase qui revient souvent me visiter depuis des mois tant sa cocasserie met je trouve en valeur sa justesse :
« Allan trouvait incompréhensible que les gens aient envie de s’entretuer. S’ils avaient patienté un peu, ils seraient morts de toute manière. »
(Jonas Jonasson dans son roman « Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire », ouvrage qui n’a absolument rien à voir avec le yoga, la méditation ou que sais-je encore du même genre 😅)

Ce qui est vrai dans un contexte de guerre l’est tout autant dans notre relation à nous-même (ça commence peut-être bien par là d’ailleurs…) :
C’est fou quand même toute l’énergie investie à se débattre avec, et même contre soi-même, pour se sortir des eaux dans lesquelles on se trouve submergé.e.s, pour se sauver des feux dans lesquels on se sent dévoré.e.s ; à se faire violence pour répondre à la violence éprouvée, pour ne pas ressentir ce que l’on ressent, pour ne pas vivre ce que l’on vit, pour ne pas être ce que l’on est…

Alors que, si l’on avait juste patienté un peu, juste un moment suspendu dans le temps, l’inconfortable que l’on cherche à fuir ou dont on s’escrime à se débarrasser aurait passé de toute manière, changé d’état… et nous aussi.

Ah bien sûr, facile à dire ou à concevoir lorsque nous ne sommes pas présentement dans le vif du sujet, pris au creux de la vague, emporté au cœur du brasier.

Et pourtant, chaque remous qui nous est donné de vivre au quotidien peut s’avérer être l’opportunité de s’entraîner :

Peut-on juste se laisser respirer avec, s’offrir un temps où, toutes affaires cessantes, l’urgence n’est plus ailleurs que dans la respiration – ne serait-ce qu’une seule – que l’on s’autorise à pleinement goûter ?

Un temps pour à la fois dézoomer et plonger : où l’on peut observer à l’œuvre l’agitation qui nous anime plutôt que le sujet qui l’a déclenchée.

Et laisser cela devenir à part entière objet de méditation.

Un temps de patience dans lequel habiter la Présence et se laisser être habité.e par elle, par ce qui dès lors a l’espace pour œuvrer, indépendamment de toute intervention volontariste de notre part qui peut-être ne ferait qu’en rajouter là où en fait tout est déjà bien assez plein, prêt à déborder.

Alors c’est sûr, toutes les pacifications que cela pourrait permettre d’advenir au-dedans de nous, ce n’est probablement pas cela seul qui ôtera une bonne fois pour toute aux gens l’envie de s’entretuer hein !

Mais si au moins, indirectement, notre environnement proche peut en bénéficier… de proche en proche… puis de proche en moins proche… puis de moins proche en loin… on ne sait jamais… ça vaut le coup d’essayer…

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« Garde-toi de vouloir goûter les fruits de la vie mystique, avant d’avoir rien fait pour les posséder.
Ne dis pas – ô l’étrange paradoxe : – « La Voix est trop aride, et pour triompher des difficultés de la Voie, il faut être un Saint ».
Mais au contraire les Saints ne sont devenus tels que parce qu’ils ont su d’abord triompher de ces difficultés. Ils ont débuté comme toi, dans le néant ; ils ont gravi comme toi l’échelle philosophique en commençant par le premier degré.
Ne demande donc pas la foi pour pouvoir prier ensuite. Prie d’abord, et la foi inondera ton âme. »
(Grillot de Givry, Le Grand Œuvre, ce qui n’est pas non plus un livre de yoga à proprement parler, mais pourtant… 🙂)

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Photo personnelle : Carte postale trouvée dans une boutique dublinoise


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