De la murmuration au Silence – Tout ça… pour Ça…

Chaque lundi, avant de reprendre mes cours de fin de journée vers 17h, j’assiste à un phénomène captivant : la murmuration. Car c’est ainsi que cela s’appelle.

D’abord un oiseau apparaît dans le ciel, puis il est rejoint par un deuxième, un troisième, quelques autres, et encore d’autres et l’oiseau, seul au départ, s’est transformé en groupe, en nuée au sein de laquelle il n’est même plus possible de le distinguer.

Cette nuée danse, tourbillonne comme un seul immense oiseau dans le ciel. Et il y a quelque chose de si gracieux là-dedans que ça en est captivant au point de presque s’y laisser entraîner.

Tout en étant observatrice, cela me donne le sentiment d’y participer, d’être ainsi certes observatrice de ce qui se déroule sous mes yeux mais aussi, concomitamment, de faire également partie de ce qui se déroule sous mes yeux.
À la fois ici et en même temps là-bas.
Bilocation.

C’est une expérience que l’on vit souvent en fait.
Du moins chaque fois que l’on est en mesure d’en avoir conscience sinon, lorsque l’on ne réalise pas que l’on est aux deux endroits à la fois, on reste :
soit complètement là-bas, absorbé.e.s dans nos souvenirs, nos projections, nos pensées, etcetera en perdant pied avec le lieu duquel ces images prennent source, totalement confondu.e.s avec ce que l’on voit, disparaissant de nous-mêmes en quelque sorte ;
soit complètement ici, dans une forme de contrôle froid, empêchant de prendre part au jeu auquel on est invité, dans une forme d’idée de détachement (« je ne suis pas ce que je contemple, je suis bien au-dessus de cela pour m’abaisser à m’y identifier ») dans laquelle on peut s’avérer en fait encore bien plus enfermé.e.s…
La liberté est là où l’on veut bien la reconnaître… ou l’ignorer… 🙂

En tous les cas, ce qui est amusant c’est que ce phénomène – qui s’appelle donc murmuration – semble silencieux tant que le ballet s’agite dans le ciel alors que c’est au moment où le mouvement s’interrompt – net – que le murmure devient assourdissant.

En effet, chaque fois – soudain – sans doute une fois que tout le monde est bien rassemblé, l’oiseau géant constitué de tous les individus qui l’ont créé se jette tout entier dans la haie de bambou au fond du jardin.
Et là, comme s’il y avait des milliers de micros cachés dans les branches, le son des chants s’accapare tout l’espace, comme s’il venait prendre le relai du mouvement qui s’est arrêté.
Une fois qu’on ne les voit plus bouger, c’est là seulement qu’on les entend.

Peut-être un peu au fond comme lorsque parfois (ou souvent, tout dépend…), une fois accomplie une pratique posturale d’une certaine intensité permettant d’y être pleinement présent.e.s ne laissant pas la possibilité d’être entraîné.e.s dans des errances mentales qui pourraient en divertir, on se retrouve dans savasāna confronté.e.s au vacarme de pensées qui alors, dans l’interruption du mouvement, a tout l’espace pour se donner à entendre.
Du mouvement silencieux à l’immobilité bruyante.
Peut-être que le mouvement n’est parfois que l’arbre qui cache la forêt de l’activité mentale. Et qu’il est justement nécessaire de jouer à la cacher pour ensuite être mieux en mesure de la discerner…

Toujours est-il que, après la phase de ballet muet dans le ciel, à laquelle s’ensuit la phase de repos assourdissant dans les branches, tout à coup (car c’est vraiment soudain, comme si l’on appuyait sur un interrupteur) : le Silence. Complet. Non seulement plus rien ne bouge mais aussi à présent tout se tait.

Peut-être un peu au fond comme dans la pratique.
Tout ça… pour Ça.

Et la nuit peut tomber.
Jusqu’à ce que cela reprenne, en sens inverse, avant le lever du soleil le lendemain.

Rituel sacré consistant à oublier pour se rappeler.
Tout ça… pour Ça…

***


Photo : personnelle


Une réflexion sur “De la murmuration au Silence – Tout ça… pour Ça…

Laisser un commentaire