Navaratri, 9 nuits avec Shakti (et bien plus si affinités…)

Pour les hindouistes, Navaratri (« nava » neuf ; « ratri » nuit) a lieu à quatre périodes de l’année que l’on ne saurait dater précisément puisque dépendantes du calendrier lunaire.

Śāradīya Navaratri, la plus importante des quatre, commence chaque année le lendemain de la première nouvelle lune suivant l’équinoxe d’automne.

Tandis que la deuxième plus importante – Chaitra Navaratri – a lieu chaque année à partir du lendemain de la première nouvelle lune suivant l’équinoxe de printemps. En 2023, elle démarrera la nuit du 21 au 22 mars jusqu’à la nuit du 29 au 30 mars.

Et voilà ce que l’on peut en dire…

En réalité, en marquant ainsi le passage des saisons, Navaratri rend ni plus ni moins grâce au caractère changeant et cyclique de la nature (Prakriti) : Sa (naissance) – Ta (vie) – Na (mort) – Ma (renaissance).
Cette nature changeante de tout ce qui est et qui correspond à l’énergie féminine à l’oeuvre en tout et en chacun de nous a en quelque sorte une représentation divine : Shakti. Et c’est précisément cette Énergie personnifiée sous les traits de neuf déesses ou archétypes (une pour chaque nuit) qui est honorée durant Navaratri.

Les neuf nuits et neuf jours de dévotion durant lesquels est mise à l’honneur la Déesse (on pourrait tout aussi bien simplement parler de la Vie si l’on souhaite épargner une connotation religieuse au mental souvent sensible à certaines terminologies), ces neuf nuits et neuf jours donc sont dès lors particulièrement propices à affiner, à approfondir et à intensifier en nous la conscience que, c’est aussi à travers la nature changeante, tantôt déchaînée et destructrice, tantôt généreuse et protectrice, à travers toutes les tribulations heureuses ou laborieuses que la vie comporte, que la présence immuable du Sacré au cœur de tout et de nous se manifeste en permanence.

Alors maintenant, avant la première nuit de Navaratri, faisons tout de même un peu plus connaissance avec Shakti…

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C’est qui cette Shakti ?

Comme dit précédemment, Shakti c’est bien davantage une énergie à ressentir en soi et partout autour de soi plutôt que l’iconographie variée d’une beauté colorée, bijoutée et pleine de bras armés qui en est faite.
Ceci dit, lorsqu’elle est convoquée pour sa portée symbolique, l’image n’est alors pas réduite à un simple intérêt esthétique mais permet de mieux ancrer les principes qu’elle sert et qui, sans cela, pourraient rester flous comme condamnés à l’abstraction. Or, une pratique spirituelle ne peut être qu’incarnée ; éthérée, elle s’envole et mène bien plus à la perte qu’à l’Éveil…
Il n’en demeure pas moins qu’il est essentiel de veiller à ne pas laisser l’énergie être enfermée dans l’image qui la véhicule sans quoi on passe un peu à côté de l’essentiel, en fin de compte un peu à l’instar de notre âme bien plus vaste que notre corps qui l’incarne mais auquel elle est très loin d’être limitée.

Ceci étant posé, revenons-en à Shakti et à sa représentation principale Durga ainsi qu’aux neuf déclinaisons de cette dernière dont il est question durant Navaratri.

La cosmogonie jouant un rôle déterminant dans le système de croyance propre à l’hindouisme, chacune des neuf nuits de Navaratri est en fait une mise en lumière de chacune des neuf planètes auxquelles sont rattachés chacun des neuf avatars de Durga.
Ainsi, lorsque Navadurga (Durga sous ses neuf formes) est adorée lors de Navaratri, c’est en réalité une façon de rendre grâce aux Navagraha, les neuf planètes reconnues dans la cosmogonie hindoue comme responsables de la marche du Monde.
Shakti est dès lors ni plus ni moins la métaphore de l’Energie divine universelle qui se manifeste sous toutes les formes et à toutes les échelles, de l’infiniment grand à l’infiniment petit, du cosmique à l’humain.
Shakti est donc l’allégorie de l’Univers tout entier.

Peut-être que cela explique aussi le fait que pour une même déesse, on trouve des tas de représentations différentes, notamment en fonction des régions de l’Inde. Par exemple, Durga elle-même peut-être représentée avec 8 ou 10 bras, chevauchant un lion ou un tigre, avec une robe rouge ou rose, etc.
Pour cette raison, je ne me lancerai donc pas dans une description de chacune des navadurga, d’autant que ces éléments essentiellement esthétiques, bien qu’ayant aussi une portée symbolique, ne sont vraiment pas l’essentiel à mon sens.
Cependant, voici tout de même la correspondance entre chacune des nuits de Navaratri, chacune des déesses qui y sont associées ainsi que l’énergie respective qu’elles personnifient, et chacune des navagraha correspondantes :

  • Première nuit avec Shailaputri, forme absolue de la Nature, connexion avec la Lune
  • Deuxième nuit avec Bhramacharini, archétype de la dévotion et de l’ascétisme, connexion avec Mars
  • Troisième nuit avec Chandraghanta, déesse du courage, notamment pour lutter contre les (ses propres) démons, connexion avec Venus.
  • Quatrième nuit avec Kushmanda, symbolisant la lumière et la radiance, connexion avec le Soleil.
  • Cinquième nuit avec Skandamata, pourvoyeuse de pouvoir et de réussite, connexion avec Mercure
  • Sixième nuit avec Katyayani, corrélée à la justice et au triomphe, connexion avec Jupiter
  • Septième nuit avec Kalaratri, allégorie de la mort du temps et donc de l’impermanence et du détachement, connexion avec Saturne
  • Huitième nuit avec Mahagauri, incarnant la pureté à travers le repentir, le pardon, la miséricorde, connexion avec Rahu
  • Neuvième nuit avec Siddhidhatri, matérialisant l’Immatériel, l’énergie pure, la transcendance, connexion avec Ketu

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Bon et alors concrètement, lors de Navaratri, comment l’honore t’on la Shakti ?

Bien que dans les faits en Inde, Navaratri est propice aux rites dévotionnels, Shakti n’est en réalité pas une déesse extérieure à nous qu’il faudrait prier, encenser, nourrir, fleurir à travers des offrandes bien intentionnées mais pas pour autant désintéressées pour obtenir telle ou telle grâce comme si elle était la femme indienne du père Noël prête à nous gâter de réussite, de bonne santé, d’abondance matérielle, d’amour généreux, etc etc. proportionnellement à nos mérites. (allez, soyez pas déçus ! 😀 )

En réalité, comme déjà évoqué plus haut, Shakti est en tout et partout, c’est l’énergie que l’on peut contacter à tout instant simplement par notre qualité de présence et notre sensibilité à la dimension sacrée de tout ce qui est.

Navaratri offre en fait l’opportunité de ressentir et de reconnaître de façon plus consciente et plus intime la présence de l’Un au coeur même de la multiplicité. Un peu comme un kaléidoscope qui donnerait mille et une représentations de ce qu’il reflète, le Divin se manifeste en effet sous différentes formes présentes en tout et en nous, à la fois sous des aspects plus sanguins et plus doux, plus sombres et plus lumineux, plus orageux et plus radieux, plus puissants et plus vulnérables, etc.

Et Navaratri nous invite à embrasser avec le même Amour toutes ces facettes sous lesquelles le Divin s’exprime, à reconnaître toutes ces facettes présentes en chacun de nous et à toutes – vraiment toutes – les adorer de façon inconditionnelle car c’est seulement dans cet Amour absolu de toutes les nuances de tout ce qui est que l’on peut s’établir dans la présence à l’Unité, et faire ainsi dans chaque dimension de notre vie l’expérience renouvelée de l’Union au Tout.

Navaratri est donc en quelque sorte neuf nuits de noces intérieures avec Shakti en tant que représentation féminine de l’énergie divine venant ainsi sceller notre engagement dans notre cheminement spirituel qui nous porte à apprendre à reconnaître le Sacré toujours, en tout et partout.

Puisse ainsi cette période être propice pour toutes et pour tous à ressentir la Beauté à l’oeuvre au coeur de nous-même, dans chacune de nos actions, dans chacune de nos paroles, dans chacune de nos pensées, dans chacune de nos expériences, dans chacune de nos rencontres et dans l’Univers tout entier.

*

ॐ दुं दुर्गायै नमःOm Dum Durgayei Namaha

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À lire également : Shiva-Shakti, la réconciliation de ce qui semble à priori inconciliable

Illustrations :
– Durga accompagnée de son fidèle lion (à la place de ce-dernier, Durga est aussi souvent représentée avec un tigre pour monture)

– Durga Yantra (géométrie sacrée symbolique de l’énergie de Durga pouvant faire office de support de contemplation pour méditer), oeuvre de Julie Fatemian

– Navadurga, les neuf représentations de Durga honorées durant les neuf nuits de Navaratri


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